Au loin, il y a des cratères,
puis un champ de lave,
puis un homme qui grimpe sur un monticule
et un autre, déjà posé,
qui observe le monde.
Si on continue dans la même direction,
on croise un appareil photo
tout seul sur son trépied
qui cliquette régulièrement
et, tout près, une route.
De l'autre côté de la route,
quelques campers garés le coffre ouvert,
des gens qui enlèvent leur maillot
et enfilent un vêtement léger pour la soirée,
une plage,
puis l'océan.
Sur la plage, une famille attire mon attention :
quatre splendeurs d'or sombre
aux cheveux platine
s'activent autour de leur tente.
Le petit garçon et la petite fille
courent en riant dans le sable,
leurs longues chevelures hirsutes,
épaissies par le sel,
ondulant loin derrière eux.
Ils se chamaillent comme deux petits lions,
avec une agilité et une grâce inhumaines.
À côté d'eux, leur père semble se déplacer au ralenti.
Sa musculature est stupéfiante ;
il a le torse et les bras d'un Rodin,
je jurerais qu'il en a la consistance.
Il exsude la densité, la force,
le calme, l'équilibre.
Il a le corps puissant et souple des pacifistes.
Son existence seule impose la rêverie.
Cependant qu'il dispose consciencieusement le couvert
pour le diner familial,
sa femme ratisse le devant de leur tente
avec un morceau de carton.
Bien plantée sur ses solides jambes,
elle se plie en deux
à un rythme soutenu
et expédie alentour
des pelletées volumineuses de sable
dont le vent transforme une partie
en gracieuses volutes.
Ces jeux de matières, de courbes et de lumière
éloignent encore un instant mon regard
de l'inévitable centre d'attention –
la mère me tourne le dos –
de cette étourdissante scène :
son cul.
Ce cul superbe,
si rebondi qu'il a laissé sur les jambes de sa propriétaire,
tout en haut de ses cuisses,
aux plis qui les séparent des fesses,
deux croissants de lune
d'une blancheur aveuglante
dans cet océan d'or,
deux intimes croissants de chair,
jalousement cachés au soleil,
révélés, pourtant,
par le hasard des urgences domestiques et artistiques
à mon attention ébahie.
Jamais je n'ai vu de cul si souriant.
Ni de plus belle famille.
Je les ai contemplés un long moment,
tous,
comme en prière,
puis je suis reparti, rasséréné.
Dans quel beau monde nous vivons !