Narration

Se proposer à être vu
demande de se raconter.

Mais comment faire ?
Chaque portrait est exact.
Chaque portrait est incomplet.
C’est absolument ça — et pas du tout.

Chaque photographie fige une réalité dynamique,
riche de nuances qui échappent à la représentation.

Mon identité se déploie en constellations
qui évoluent au rythme de ma vie.
Alors peut-être qu’en multipliant les angles de vue…
dans la durée…
je pourrais obtenir une résolution kaléidoscopique
qui approcherait une justesse suffisante ?
Grâce à laquelle je saurais dire :
“Voilà. Ça. C’est moi. Tiens.”

Au point de départ, il y a un acte d’amour.
Un geste de partage répété mille fois,
à la recherche d’une communication vraie.

Un geste d’adresse
de moi à celles et ceux que j’espère,
au proche, à l’inconnu, aux disposés.
Un désir de me rendre lisible.
Pour qu’ils sachent.
Pour que vous sachiez.
À quoi vous en tenir.

Un élan irréfléchi, mais nécessaire.

Un reflet printanier
saisi à chaque rebond,
d’éclats en éclats,
et dont la trajectoire
dessine sans définir.

Il suit le modèle du monde
qui se révèle à mesure qu’il s’observe —
comme quand un enfant répète maladroitement une attitude
que ses parents ont rendue automatique,
et ce faisant leur fait voir
à quoi ressemble leur propre existence.

Ces photographies sont de moi,
et du principe vital lui-même,
une pâle imitation.