Quand il entendit la porte claquer,
quand enfin elle fut partie,
il s’effondra sur lui-même par le thorax,
comme une poupée qu’on dégonfle.

D’abord en imperceptible filet,
de ses narines, ses oreilles, du bout de ses ongles,
puis de plus en plus fort,
jusqu’à propulser d’entre ses lèvres en convulsion
une pétarade tonitruante de postillons,
l’air s’échappa de lui au point de le laisser aplati au sol,
vide,
sans le moindre reste de force.

C’était fini.

Fini !

Fait !
Passé !
Oublié !

Il avait osé !
Il lui avait dit !
Il avait tenu bon !
Les couleurs, les goûts, les odeurs revenaient… La joie !

La vie !

Les fesses en l’air,
les mains bizarrement coincées sous ses genoux,
une joue écrasée sur le parquet sale,
Arthur avala sa première inspiration de liberté,
un plein sac de poussière qui manqua de l’étouffer.

Une incontrôlable quinte de toux plus tard,
il était à sa fenêtre,
grande ouverte malgré le froid glacial,
et le feu qui ravageait ses poumons envahit bientôt son corps tout entier.

Il pointa le doigt vers un point choisi au hasard
sur la ligne dentelée de l’horizon rougeoyant.
Là !
Son index roula sur sa droite.
Là !
Puis bondit tout à gauche.
Là !
Il lança ses deux bras au ciel.
Là !

Il irait partout.
Partout !

Il partait.
Ce soir même.
Dans l’heure.
À l’instant !

Une jambe par-dessus la traverse,
ses orteils pénétrèrent l’épaisse couche de neige
qui recouvrait le toit de la maison familiale.

D’un mouvement fluide,
il s’y hissa et poussa un hurlement bestial.

De ses épaules nues s’élevait
en volutes furieuses
son fol enthousiasme.

En contrebas,
un moelleux tapis de poudreuse
n’attendait que lui.

Avant de sauter, il cria,
assez fort pour que tout le village puisse l’entendre :
« MAMAN, PAPA, MERCI DE M’AVOIR DONNÉ LA VIE !! »

Et
plus bas :

« Je la prends. »