Je ne danse vraiment bien
que lorsque je suis seule.

Seule, c’est obligatoire…
Et libre de toute obligation sociale ou physiologique.

À dire vrai, il faut aussi,
pour que la magie opère,
que la musique me surprenne.

J’entends par là que si je ressens au préalable l’envie de danser,
même une envie minuscule,
cachée sous plusieurs couvertures de désirs plus immédiats,
le résultat sera catastrophique.

Que ce soit en boite de nuit,
pendant une soirée entre amis,
à un mariage ou un concert,
que je sois sobre ou fin saoule,
d’humeur joyeuse ou lugubre,
en pleine forme ou toute courbaturée,
je danse toujours comme une chaussette.

En revanche,
mettez-moi par surprise,
en respiration d’une émission de radio par exemple,
la bonne chanson…

Et me viendront,
en plein milieu de ma découpe de carottes,
quelques gestes d’une beauté
et d’une fluidité époustouflante.

Trois mouvements sublimes,
peut-être quatre,
qui s’enchaineront si bien
qu’il n’existe aucun univers
dans lequel ils ne se suivent pas.

Une sorte de spasme cosmique
dont les répercussions dévieront
pour les siècles à venir
les marées de toutes les planètes du système solaire.

En pantalon d’intérieur et pantoufles-lapins,
armée de mon couteau maculé de sang orange
dont quelques infimes gouttelettes
seront propulsées aux quatre vents,
les cheveux tenus en chignon par une baguette hibou,
il m’arrive ainsi,
lorsque je saisis au vol l’onde adéquate,
de confirmer ou d’infléchir la course des astres alentour.

Ou de l’arrêter.

Depuis le cœur pétillant de mes cellules
jusqu’au-delà des frontières glaciales du Système Solaire
se répond en échos unanimes
le monologue de ce qui est.