Comme je ne savais pas quoi dire,
j’ai fini par plonger la main dans mon panier et leur ai donné à chacun
une pleine poignée d’olives bien juteuses.
Je crois que ça leur a plu ;
en s’éloignant, ils balançaient leurs drôles de membres mous d’une façon bien nouvelle,
dont il exsudait un je-ne-sais-quoi d’assurément joyeux.
Moi, en tout cas, à les voir gigoter de si étrange manière, j’étais fin hilare.
Et, comme de juste, ils sont revenus le lendemain.
Un peu plus tôt que la veille.
Les deux mêmes, pour autant que je puisse en juger.
On les appelait Pinceau et Tournesol, au village,
rapport à leurs tignasses invraisemblables.
Dès qu’ils m’ont aperçu, ils ont accéléré le pas en tuyautant des stridences d’excitation.
Comme j’ai eu des chatons, dans le temps, je sais y faire ;
avec ma grosse voix, je les ai calmés tout de suite.
« Doux, les copains, j’ai pas fini la récolte. »
Ils m’ont toisé d’un air drôle mais sont restés à distance des olives.
Pendant que je terminais le boulot, ils faisaient les pitres :
ils se mettaient la tête à l’envers et s’enfonçaient dans le sol jusqu’à la taille,
traçaient des figures dans les nuages en tailladant le ciel de leurs doigts –
jusqu’à ce que je les gronde quand une méchante grêle s’est abattue sur la maison du Gros Paul…
Pas dix secondes plus tard, ils aspiraient tellement d’air que leurs torses se transformaient en ballon
et, déséquilibrés, se ratatinaient dans des buissons d’épineux
puis, d’un coup, se mettaient à sentir à eux deux comme trois champs de lavande
et se faisaient harceler par toutes les abeilles du coin…
Chacune de leurs expériences finissaient mal
et, chaque fois que ça tournait au vinaigre,
ils ondulaient avec frénésie en se tournant autour.
À croire qu’ils se bidonnaient de leur propre maladresse.
Quand j’ai eu fini de remplir mon panier,
je leur ai fait signe d’y piocher tout ce qu’ils voulaient ;
à faire toutes ces petites conneries, ils avaient attendri mon vieux cœur de voyou,
les garnements.
Ils avaient l’air tellement fébriles pendant qu’ils attendaient,
j’étais persuadé qu’ils allaient tout dévorer…
Pourtant, d’olive, ils n’en ont pris qu’une seule.
Et ils l’ont partagée.